Le psautier de Charles de Navières, paru en 1580, est un ouvrage singulier. OEuvre d’un
poète mineur, auteur de la versification en français mais aussi probablement compositeur des
mélodies, il propose une musique et des vers différents du psautier de Genève. Cette démarche est
unique : entre 1562 (édition finale du Psautier de Genève) et 1646 (Psautier de Diodati), il s’agit du
seul psautier français complet, différent de celui de Genève, qui nous soit parvenu. Il se place ainsi
en concurrent de l’ouvrage genevois, à une époque où son hégémonie sur la liturgie protestante est
solidement établie. Cependant, le but de la démarche de Charles de Navières nous est inconnu, et
l’ouvrage ne connu qu’une diffusion confidentielle.
Tout comme son psautier, Charles de Navières est un personnage original. Petit noble
sedanais, poète prolifique, musicien amateur, capitaine d’une milice bourgeoise, tenancier d’une
salle de jeu de paume, il est avant tout un militaire de carrière. Il participe en 1598 à un complot
visant à renverser le souverain illégitime de Sedan. Suite à l’échec de la machination, Navières fut
condamné à mort puis sauvé du gibet par des dignitaires sedanais. Possiblement emprisonné
jusqu’en 1606, il se consacre jusqu’à sa mort en 1616 à composer des panégyriques poétiques à la
gloire d’Henri IV, ces derniers comprenant parfois quelques lignes de musique.
La versification des psaumes que propose Navières est fort différente de celle de Clément
Marot et Théodore de Bèze. Pour son propre psautier comme pour ses autres ouvrages, Navières
s’attache avec rigueur à la qualité des rimes, à l’équilibre syllabique des vers et à la richesse du
vocabulaire. Ils s’agit d’une démarche esthétique, qui a pour résultat une versification plus longue et
plus littéraire que celle de Genève.
Sur le plan musical, ce psautier se distingue également de celui de Genève, dont il
n’emprunte aucune mélodie, au contraire d’autres compositions de Navières. La ligne est davantage
disjointe, les syncopes y sont plus rares, et de nombreux psaumes adoptent un caractère très
différent de leur équivalent genevois, comme le 68 (psaume « des batailles »). Navières semble
s’inspirer de la musique mesurée à l’antique, dont il utilise et commente les principes dans d’autres
ouvrages.
Notons enfin qu’outre les 150 psaumes, Le Psautier de Navière contient 10 hymnes, dont
l’un emprunte la mélodie d’un choral allemand, tandis que quatre autres reprennent librement la
mélodie et le texte d’hymnes grégoriens, avec toutefois une versification française nouvelle.
Références :
• Noailly, Jean-Michel, Bibliographie des psaumes imprimés en vers français, à paraître.
• Bernot, Abel, Le psautier de Charles de Navières, transcription et comparaison avec le psautier de Genève,
mémoire de DEM, 2013, déposé à la Bibliothèque de la Société de l'Histoire du Protestantisme français